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Adieu Reine Astrid

Elle allait mourir…
Quand l’infirmière me l’a annoncé, j’ai senti un gros frisson parcourir ma colonne vertébrale…
Je l’aimais.
Cette dame si maigre qui râlait tout le temps, avec son petit chignon planté sur son crâne, je l’avais rencontrée deux ans auparavant.
Je ne sais pourquoi je l’aimais. C’était ainsi, une rencontre de cœur.
Elle allait mourir… je devais la retrouver une dernière fois avant son grand voyage, aller lui dire au revoir…main dans la main avec mon clown.
Jamais elle n’a manqué la visite des clowns. Elle était capable de mettre la maison sans dessus dessous pour les retrouver dans les étages. Le jour où elle a déclaré être notre Reine Astrid, les clowns se sont inclinés en l’appelant Majesté. Son titre ne l’a plus jamais quittée.
Elle allait mourir… J’ai endossé mes habits de clown, chaussé mon nez et traversé le couloir pour rejoindre sa chambre.
Sa porte était entrouverte.
En retenant mon souffle, je suis rentrée sur la pointe des pieds, discrètement comme une petite souris.
Elle était devant moi, toute frêle, perdue dans un lit devenu trop grand pour elle. Son visage creusé par les années reposait sur un grand coussin bleu pâle.
Avec ses lèvres sèches, sa bouche édentée et ses paupières devenues plus fines que du papier de soie, elle était belle.
Belle à mes yeux, belle à mon cœur.
Ma main s’est doucement posée sur la sienne si fripée, nos chaleurs se sont mêlées.
Je la sentais vivante. Souffle de vie, souffle de paix.
L’émotion me gagnait. La petite boule que j’avais au fond de la gorge en arrivant s’est mise à grossir, grossir, jusqu’à devenir insupportable. Impossible de la ravaler, il fallait qu’elle sorte pour éviter l’implosion.
J’ai penché mon visage par-dessus les barreaux de son lit, jusqu’à effleurer le sien.
Alors, dans cet instant de grâce empli de sérénité, ma boule s’est transformée en un doux chant mélodieux. Il se distillait dans l’air, mais n’appartenait qu’à elle.
Telle une fontaine retrouvant l’eau après un hiver trop long, mes yeux se sont mis à couler, couler.
Mes larmes se sont posées sur ses lèvres craquelées, comme pour les hydrater.
A peine perceptible, elle m’a offert un sourire.
Elle m’avait reconnue.
Nos cœurs ont à cet instant battu à l’unisson pour notre ultime rencontre.



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